Préface

Athéna Tsingarida

 

« L’Archéologie a toutes les exigences d’une science expérimentale, il lui faut des laboratoires bien outillés, – musées d’originaux, collections de moulages, de diapositives et de planches, – elle impose un stage dans ses chantiers – les champs de fouilles.[…] Le temps viendra où l’helléniste qui n’aura pas voyagé en Grèce, sera aussi ridicule qu’un médecin qui n’aurait jamais pénétré dans un hôpital ! »

H. Philippart, Extrait du discours prononcé lors de l’assemblée générale de la Fondation Archéologique en 1930.

Négligées pendant longtemps, les collections de moulages constituées au sein des Universités ont retrouvé leurs lettres de noblesse ces dernières années. C’est ainsi que l’on a mis en valeur et exposé des ensembles importants conservés au Fitzwilliam Museum (Cambridge), à la Cast Gallery (Oxford), ou encore, plus près de chez nous, au Musée Universitaire de Louvain-La-Neuve (Musée L), qui leur a consacré une salle entière à l’occasion de sa rénovation récente en 2017.

La collection de moulages de la Société d’Archéologie Classique et Byzantine de l’ULB, a été abandonnée à la fin des années 80. Stockée depuis cette époque en partie dans les sous-sols ou dispersée à travers plusieurs locaux, elle a subi des pertes et des dommages importants. Elle fut pourtant créée en 1930 en même temps que la Fondation Archéologique, premier nom de la Société d’Archéologie Classique et Byzantine, par Hubert Philippart, helléniste de renom international et spécialiste de céramique grecque. Par son histoire, la collection de moulages coïncide avec l’établissement de nos disciplines au sein de l’Université puisqu’elle fait suite à la loi du 21 Mai 1929 qui inscrivit au programme de candidature de la Faculté de Philosophie et Lettres un cours obligatoire de « Notions d’Histoire de l’Art et Archéologie » et un cours d’archéologie au programme de la licence. La collection devait initialement être placée au centre des nouveaux bâtiments de l’Université (le futur Bâtiment A) dans le grand hall, nommé le « Hall des Marbres » suite au projet d’y voir figurer ces sculptures, qui devaient ainsi souligner l’importance accordée par l’Institution à l’art ancien et à son esthétique.

Visionnaire, Hubert Philippart, qui fut Secrétaire de l’Université et premier titulaire de ce nouveau cours consacré à l’Antiquité, instaura également une section d’Histoire de l’Art et Archéologie en sein de le Faculté. Dès 1930, avec l’ensemble des membres de la jeune Fondation Archéologique, il se rendit compte de la nécessité d’offrir les ressources indispensables à l’organisation d’enseignements pertinents et dignes des pratiques suivies dans les séminaires des grandes Universités européennes. C’est ainsi qu’il rassembla une bibliothèque, un ensemble de clichés et de recueils de planches, mais surtout ce qu’il considérait être l’équivalent d’un laboratoire pour l’archéologie, une collection de moulages.

À l’ère de l’enseignement à distance, il est fondamental de rappeler ici l’importance pour l’étudiant en Histoire de l’Art et en Archéologie de la texture, de la forme, de la technique, de tous ces éléments qui font la matérialité des œuvres. L’apprentissage d’un certain regard et d’une méthode d’analyse portée sur l’objet d’art ou d’artisanat constituent les fondements même de nos disciplines. Les photos ne remplaceront jamais l’expérience tactile, sensuelle et directe offerte par les originaux ou par les moulages de bonne qualité.

C’est peu dire que la Société d’Archéologie Classique et Byzantine est profondément reconnaissante à Sébastien Clerbois d’avoir initié ce projet de restauration et de valorisation des pièces, qui ont survécu à l’œuvre du temps. Le travail mené est également, avant tout, une démarche collective de longue haleine. Le volume que l’on tient dans les mains reflète cette approche solidaire et transdisciplinaire rassemblant des expertises variées et complémentaires. Il est le résultat des recherches et des travaux menés par les collègues du Centre de Recherches en Archéologie et Patrimoine (CReA- Patrimoine, ULB), du LISA (Laboratories of Image, Signal processing and Acoustics, Ecole polythechnique de Bruxelles), du laboratoire AlICe (Faculté d’Architecture), de la Plateforme PANORAMA (ULB) et de l’ENSAV – La Cambre, avec la contribution des étudiants. Qu’il soit tous remerciés pour avoir remis en valeur et rendu à nouveau accessibles et visibles ces pièces appartenant au patrimoine et à l’histoire de notre Université.

Cette entreprise n’aurait pu être réalisée sans le soutien des autorités universitaires. Nous voudrions remercier Didier Viviers, ancien Recteur de l’ULB et actuel Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique, Yvon Englert, Recteur de l’ULB, ainsi que les Doyens de la Faculté de Philosophie et Sciences Sociales et de la Faculté de Lettres, Traduction et Communication, Michèle Galland, Andrea Rea et François Heynderickx. Les travaux de restauration et la réalisation du volume ont été rendus possibles grâce au Prix Marie-Antoinette Van Huele.